Voie sans issue

Publié le par Michael Kuntz


LA RÉTROSPECTIVE ROMAN POLANSKI - Événement sur Regard(s) 

Film britannique de Roman Polanski
Thriller - Noir et Blanc
Durée: 1h45
Année: 1966

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Une route désertique empruntée par deux gangsters nigauds, c'est sous cette forme que s'ouvre le troisième long-métrage de Roman Polanski dans lequel s'affirme, s'aiguise, le génie du cinéaste. 

D'entrée de jeu, le ton se veut volontairement burlesque, confirmé au bout du premier quart d'heure, malgré une écriture qui privilégie la quête du suspense et du huis-clos. 

Le réalisateur du "Couteau dans l'Eau" revient sur le thème de l'incrustation. Ici, deux gangsters de bas-étage qui s'invitent dans la demeure d'un couple. 

Polanski surfe sur la vague de ses premiers amours en choisissant une mécanique psychologique, teinté d'un soupçon de paranoïa, faisant écho au film précédent "Répulsion". 

"Cul-de-sac" c'est évidemment pour signifier une voie sans issue, un étouffement progressif de la cellule familiale, manipulée comme des pions sur un échiquier. 

L'incrustation du duo gangster se fait sans laisser le choix, sans résistance possible, comme une réalité qui s'impose et à laquelle on n'échappe pas. 

Le propos est dramatique, la mise en scène d'une grande légèreté. Pas une scène ne vient contre-balancer la logique narrative. Celle-ci offrant deux lectures possibles: 

La première: Tragique. Comment un couple peut se laisser surprendre de la sorte et ne pas réagir ? 
La seconde: Burlesque. Comment un couple fait-il pour laisser deux idiots s'accaparer leur maison ? 

La dramaturgie polanskienne fait alors un effet double. Il y a deux forces contradictoires qui semblent s'assembler et fonctionner à merveille. Ce sont celles de la comédie, du burlesque, et la triste réalité, l'impuissance. 

Le cinéaste balaye d'un coup de vent les effets de style, il reste neutre, logique, cohérent. Il ne cherche pas le discours mais souligne l'absurdité. 

Il y a aussi la différence des classes sociales exposées ici en filigrane. Les hautes sphères et les bas-fonds, Ceux qui laissent traîner de la bouffe dans les plats et ceux qui lèchent les restes. 

Tout le talent de Polanski est d'offrir ça avec humour et réflexion. 

Il n'a pas son pareil pour faire d'une situation alarmante, un moment de cocasserie et de burlesque. 

La voiture qui se fait submerger lentement par la marée haute avec un gangster coincé à l'intérieur au regard médusé. L'arroseur arrosé, en somme. 

Des séquences comme ça, il y'en a d'autres. Le truand qui répète mille fois le nom d'un interlocuteur au téléphone, une échelle qui craque, un homme qui se déguise en femme etc... 

Le rythme semble millimétré, laissant sa place à chaque élément de l'histoire. Les motifs comiques et tragiques se succèdent, s'imbriquent, s'opposent. 

Tout ça avec une rare élégance du propos et de la mise en image. 

Une leçon de cinéma par un maître du septième art.

Note: 5/5 

Publié dans Cinéma

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